La grande traversée est un ensemble de gravures que j’ai réalisées entre 2019 et 2020. Cet ensemble est composé de deux thématiques.

La première intitulée Effets personnels est le fruit de la résidence d’artiste que Nathalie Douillard effectua pendant un mois en 2019 à la Tourelle Saint-François à Port-Louis dans le Morbihan. Le projet est de faire dialoguer les effets personnels et objets qu’embarquaient les officiers sur les bateaux marchands de la Compagnie des Indes avec ceux des astronautes lors des vols orbitaux à bord de la Station Spatiale Internationale( ISS).
L’artiste réalisa des gravures sur cuivre à partir des collections entre autre du Musée de la Marine à Port-Louis et des archives de la NASA et du CNES. Ces propositions plastiques mettent en scène des outils de navigation, des porcelaines chinoises du XVIIIe siècle, des scènes de vie quotidienne à bord des vaisseaux. Dans la série intitulée Vie à Bord, Nathalie Douillard grave à la pointe sèche les espaces exigus des vaisseaux, la promiscuité, le mal de mer ou de l’espace. Autant d’inconforts et de dangers parmi d’autres auxquels viennent s’ajouter le soucis du poids des vaisseaux dont la surcharge met en péril le voyage. A l’occasion de sa présentation sous forme de livre d’artiste Elisabeth Troestler, conteuse et écrivaine a écrit des versets poétiques pour chacune.


La seconde intitulée D’un milieu à un autre exposée entre octobre et novembre 2020 à la médiathèque Pondichéry à Port-Louis est une réflexion sur la circulation des plantes et des animaux à partir du XVIIe siècle à nos jours.

D’un milieu à un autre, ce sont des gravure façon tampons, gravées dans des gommes vinyles, et imprimées sur des fond de cartes maritimes. Ces tampons sont volontairement hors échelle les uns par rapport aux autres et par rapport aux cartes. Leur disposition représente l’idée de pièce rapportée dans un milieu donné, tantôt venant perturber un écosystème, tantôt s’intégrant dans une douce harmonie. L’idée d’évolution est perceptible par un jeu de composition en mouvement comme si les éléments pouvaient flotter dans l’espace, se déplacer encore et encore.
Parmi ces gravures de végétaux, j’ai représenté des espèces à forte valeur patrimoniale tels que l’Eryngium Maritimus, la Crambe Maritima, Lucane cerf-volant et l’ Agrion de Mercure. Mais aussi des personnages et des objets inspirés de gravures du XVIIe siècle confrontés à d’autres personnages contemporains comme le pêcheur de planctons ou l’astronaute photographe.

Le voyage des hommes est source de curiosité, d’émerveillement mais aussi de questionnement au jour d’aujourd’hui. Nous avons pris conscience de la fragilité de nos écosystèmes et de l’impact de nos déplacements sur eux.

Les deux thématiques évoquent la circulation et les entrelacs des cultures et de la biodiversité qui se sont élargis et accélérés à partir du XVIIe siècle entre les continents jusqu’à nos jours, où l’Homme est à la recherche d’une identité indigène et tente de les préserver.

Effets personnels

Effets personnels est un projet de recherche sur les objets et affaires personnelles embarqués lors de long voyages par les officiers de la marine marchande de la Compagnie des Indes au XVIIe siècle en comparaison à ce qu’embarquent de nos jours les astronautes sur les stations spatiales orbitales. Pour les premiers en tant qu’officiers ces objets constituaient leur garantie de salaire et pour les second l’enjeu est d’optimiser l’adaptation psychologique de l’équipage.

Le travail en gravure pour ces effets personnels a été réalisé en taille-douce, avec la technique de l’aquatinte sur cuivre et de la pointe sèche. Mon intention était de faire passer au travers de la finesse du trait et le jeu d’ombre et de lumière l’épreuve aussi bien corporellement que psychologiquement qu’ont vécu ces équipages aux deux univers opposés, l’un sur mer l’autre dans l’espace. Ces deux univers sont présentés parallèlement sur la même gravure, tantôt sur deux plaques, tantôt sur la même.

Dans la série intitulée Vie à Bord, mes pointes sèches représentent les espaces exigus des vaisseaux, la promiscuité, le mal de mer ou de l’espace, le soucis des réserves alimentaires et d’eau potable, l’arrimage des objets pour qu’ils ne chutent pas ou n’errent pas, le danger de la noyade ou de l’asphyxie, autant d’inconforts et de dangers parmi d’autres auxquels viennent s’ajouter le soucis du poids des vaisseaux dont la surcharge met en péril le voyage. Toutes ces contraintes contrastent avec l’étendue des grands espaces naturels traversés lors des périples. Ces gravures sont accompagnées des textes d’Elisabeth Troestler qu’elle a eu la bonté de bien vouloir m’écrire.